mercredi 26 février 2014

« Je suis souvent de mauvaise foi »

Pris la main dans le sac, ils nient farouchement et vous perdent dans leurs fausses justifications. Menteurs et manipulateurs à l’extrême, d’où leur vient cet aplomb sidérant pour tordre la vérité ?



Mais non, je te jure, je n’ai pas touché au gâteau ! » Quel enfant n’a pas, les joues couvertes de chocolat, clamé haut et fort son innocence ? Un gros mensonge ? Pas seulement. Car malgré les preuves évidentes qui le trahissent, l’enfant continue de défendre sa cause, au point de sembler lui-même croire en son innocence. Parce qu’il ne doute pas du fait que son entourage puisse percevoir le monde comme lui et à travers lui. « Les personnes de mauvaise foi restent dans l’exercice de cette toute-puissance infantile, explique Yolande Mayanobe, psychologue clinicienne. Par leur comportement, elles témoignent d’un ego surdimensionné, d’une prétention à se considérer au-dessus de tout, y compris de la vérité. »

Un rapport faussé à la vérité
D’après le philosophe Jean-Paul Sartre, qui fut l’un des premiers à la théoriser dans L’Etre et le Néant, la mauvaise foi est « un mensonge à soi », une fuite volontaire et consciente face à la vérité. Derrière ce comportement, il existe souvent un rapport biaisé à la vérité qui s’enracine dans l’enfance : la valeur du « vrai » n’a pas été intégrée. Pourquoi ? Parce que dans l’environnement familial, mensonge et vérité n’ont pas été clairement distingués et que le mensonge n’était pas puni. Ou, à l’inverse, parce que les fautes avouées étaient toujours sévèrement réprimées, et le courage d’avouer, jamais reconnu. « Quand le mensonge tient lieu de bouclier, la mauvaise foi peut devenir un mode de fonctionnement systématique et perdre sa dimension immorale », précise Yolande Mayanobe.

Une fragilité narcissique
Cette force de conviction révèle souvent une fragilité narcissique profonde. « Quand mon supérieur m’a fait remarquer que j’avais oublié de lui rendre un dossier, j’ai assuré l’avoir déposé sur son bureau. J’avais trop peur qu’il me vire ! raconte Pierrick, juriste de 26 ans. Et j’ai été si affirmatif qu’il m’a cru. » Pour la personne de peu d’assurance, devoir défendre ses arguments envers et contre tous devient paradoxalement un moyen de s’affirmer.

Une incapacité à exprimer ses désirs
Mais la mauvaise foi n’est pas seulement un problème de « soi à soi ». Elle s’inscrit aussi dans la relation à l’autre et relève alors d’« un processus dans lequel une personne cache ce qu’elle veut afin de mieux l’obtenir, persuadée que c’est le seul moyen d’y parvenir », remarque Hervé Magnin, thérapeute spécialisé dans la communication. « Je m’arrange toujours pour aller au cinéma avec quelqu’un, témoigne Hélène, 34 ans. Mais je ne dis jamais que c’est juste pour éviter d’être seule. » Cette incapacité à exprimer ses vrais désirs tient au fait que l’adulte n’a pas bénéficié, enfant, d’une écoute et d’une mise en confiance suffisantes. « S’il ne peut pas passer par la porte, il passera par la fenêtre », conclut Hervé Magnin.

Conseils à l’entourage
Sans entrer dans le jeu de votre interlocuteur, vous pouvez commencer par jouer au faux naïf, un peu à la manière de l’inspecteur Columbo. Prenez tout ce qu’il dit au premier degré, de façon à le mettre face à ses incohérences… sans agressivité.
Il continue dans le même registre ? Peut-être vous faut-il restaurer sa confiance. Vous pouvez par exemple lui expliquer, progressivement et respectueusement, l’importance qu’a, à vos yeux, l’honnêteté dans une relation. Vous arriverez peut-être alors à aviver sa confiance en vous et à lui donner le goût du « parler vrai ».

Anne Laure Gannac - © Psychologies.com 2006

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